CHRONOLOGIE D'UN VICE BIEN FRANÇAIS :

Nouveau Testament - 8.10 et 8.11
Une étoile nommée Absinthe tombe et pollue un tiers des fleuves et des sources en les rendant amer.

L'Absinthe fait partie des pharmacopées depuis au moins l'Empire Romain jusqu'au XVIIIe siècle.

L'abbé RECOLLET édite "La nouvelle chimie du goût et de l'odorat" en 1755 qui nous révèle que l'innovation de la distillation de l'Absinthe produit un médicament qui "excite le goût" et "flatte infiniment le goût".

1800 - NAISSANCE
EN 1832, le médecin A. Trousseau, dans le dictionnaire de médecine ou répertoire générale des sciences médicales", nous écrit :
On faisait, au commencement de ce siècle, un usage fréquent de la teinture alcoolique d'Absinthe, connue sur nos tables sous le nom d'eau d'Absinthe ou d'Absinthe Suisse. On buvait, avant le repas ou au milieu, un petit verre de cette liqueur.
Par là on espérait stimuler l'appétit et réveiller la paresse des organes digestifs. L'inconstance de la mode a fait justice de cette pratique au moins inutile.
Mais le pauvre, imitateur tardif des usages des riches, a conservé l'habitude de boire de l'eau d'Absinthe; et cette liqueur, est après l'eau-de-vie, l'une de celle dont le peuple de Paris fasse le plus d'usage.

L'Absinthe "Boisson Spiritueuse" est née vers 1800 d'une mode.
Les Suisses, grands pourvoyeurs de plantes médicinales des Alpes sur Paris, ont eu les faveurs de cette mode. Sans doute grâce aux Génépis, qui ne sont rien d'autre que de l'Absinthe des Alpes.

1805 - Installation de PERNOD à Pontarlier

1845 - Quatre officiers sont rapatriés sanitaires d'Algérie pour maladie mentale. Le ministère de la guerre ordonne une enquête qui constate le pouvoir excitant et le haut degré alcoolique de la boisson.
Par principe de précaution, la consommation d'Absinthe est interdite aux troupes basées en Algérie le 3 Octobre 1845.

1865 - Le Préfet de Paris déclenche une enquête à la suite de laquelle il est recommandé de limiter la boisson à 45% Vol. - sans suites -

1871 - Il faut des responsables à la défaite de 1870 : On surtaxe l'Absinthe afin de freiner sa consommation.
La crise du phylloxera aidant, l'inverse se produit ! Les Français se mirent à consommer plus d'Absinthe que de vin....

1915 Mars - MORT
La Guerre. Le besoin de chair fraîche à canon saine....
Interdiction de l'Absinthe et de ses similaires (Anisés).

1920 - Autorisation des Anisés < 30% Vol.

1922 Octobre - Autorisation des Anisés < 40% Vol.

1932 - Début de RICARD

1938 Avril - Autorisation des Anisés < 45% vol.
Naissance du Pernod 45.
Cette limite à 45% Vol. est essentielle pour les fabricants de Pastis. Elle permet d avoir un alcool stable, translucide en bouteille, qui se trouble lors de l'ajout d'eau.
Le trouble, ou "louche", est dû à l'Anéthol, composante de l'huile essentielle de l'anis, qui se sépare de l'alcool pour former des milliers de micros gouttelettes dans votre verre lorsque que le mélange eau-alcool passe en dessous des 40% vol.
Les Français peuvent retomber librement dans le Pastis, ersatz de l'Absinthe.

1940 Août - ETAT FRANÇAIS - Interdiction de toutes les boissons titrant plus de 16% Vol.
L'Apéritif Ersatz, présenté comme responsable de la faiblesse des Français, est tué dans l'oeuf !

1945 - Libération...... mais pas du Pastis.
Les Anisés sont à nouveau autorisés, mais seulement en dessous des 40% Vol.

1951 - Autorisation des Anisés < 45% vol.
Naissance du Pernod 51
Le Pastis a repris pied, pour longtemps.

1975 - Fusion de RICARD et de PERNOD

1988 - Une loi Européenne rétablit l'autorisation de produire des boissons contenant de l'Absinthe.

2011 Mai - RÉSURECTION
La loi d'interdiction de l'Absinthe de 1915 est abrogée.
Le degré alcoolique n'est plus limité.
Seule la molécule Thuyone, composante de l'Absinthe, est réglementée à 35mg/kg de produit fini.

L'Histoire nous apprend que la suite de cette histoire dépend de notre stabilité politique, plus que de l'avis des services sanitaires.
Et j'aime à dire que l'Armée a toujours considéré l'Absinthe nocive à la guerre !







CI DESSOUS,
HISTOIRE DE L'ABSINTHE ILLUSTRÉE DE TEXTES AUTHENTIQUES.
Si vous possèdez vous même des textes pouvant aider à mieux illustrer ou comprendre cette histoire, je suis preneur !



Préambule :

- Une recette d'Absinthe (Médicamenteuse) de Pologne de 1534 -
- Une recette d'Absinthe Anglaise (Médicamenteuse) de 1705 -
- Quelques recettes d'Absinthes tardives, vers 1900 -
- Quelques catalogues de verreries proposant des verres pour l'Absinthe -
- L'histoire de l'Absinthe vue par la Maison Pernod en 1896 -
- Rares documents des origines de Pernod (Collection Perso) -
- Lorsque la légende devient réalité !! Mr Gilbert PAINBLANC sort le Docteur Ordinaire du mythe. -
Nota 1 : A ma connaissance, le plus ancien lien entre Pierre Ordinaire et l'Absinthe est donné par le catalogue publicitaire Pernod de 1896.
Nota 2 : Que dire de la descendance de Pierre Ordinaire :
Louis Dionys Ordinaire, Député à Pontarlier,
et de son fils Maurice Ordinaire, sénateur, contemporain de l'histoire de l'Absinthe écrite par Pernod en 1896 ?
Ont ils pu influencé l'histoire de l'Absinthe écrite par Pernod ?



L'Origine :


Image flottanteSi l'on définit l'Absinthe comme une boisson d'agrément apéritive, on peut situer sa naissance à la fin du 18èm siècle / début 19èm siècle, à l'époque troublée de la Révolution Française.
Le livre de l'Abbé RECOLLET "NOUVELLE CHYMIE DU GOUT ET DE L'ODORAT, ou l'art de composer facilement et à peu de frais les liqueurs à boire et les eaux de senteurs", édité en 1755, 1766 et 1774, nous donne une idée de cette naissance lente, d'un médicament qui deviendra l'alcool la plus populaire de France durant plus de 100 ans.
L'Absinthe est utilisée depuis les temps les plus anciens en médecine. L'Absinthe de Saintonge (Ouest de la France) était déjà un vermifuge en vogue à l'époque romaine. Mais comme tout bon médicament qui se respecte, les médecines à base d'absinthe étaient mauvaises au goût, à cause de l'amertume extrême de la plante.
L'Abbé RECOLLET, nous présente une solution pour pallier à ce problème : LA MACERATION SUIVIE D'UNE DISTILLATION, qui a la propriété de conserver les principes actifs tout en éliminant l'amertume.
L'Abbé nous dit que cette liqueur, je cite "excite l'appétit".... Tiens tient... ne serait ce pas là un début d'idée d'apéritif ?
Mais encore : "d'ailleurs elle flatte infiniment le goût". N'auriez vous pas pris goût à un alcool apéritif à base d'Absinthe Monsieur L'Abbé ?
L'Abbé RECOLLET est à mon sens, le plus vieux buveur d'Absinthe que je connaisse, bien avant un certain Docteur Ordinaire.....

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Image flottante La plus vielle recette d'Absinthe connue, boisson d'agrément, serait celle d'Abraham-Louis Perrenoud (Suisse), vers 1794 ou 1797.
Vous constaterez qu'elle est assez proche d'une recette fin 19èm dans ces composantes, même si la quantité de Grande Absinthe est plus importante et celle d'anis moins importante.
Je vous retranscris quand même les composants, le texte étant à peine lisible : grande absinthe, menthe, melisse, anis, fenouil, calamus, petite absinthe, hysope.
Dans les recettes publiées au 19èm, l'anis est une constante chez les Suisses, alors que les Français resteront longtemps sur les base médicamenteuses du 18èm, avec souvent du sucre et très pauvre en anis.



Image flottante Une traite de Pernod en 1807.
Remarquez le logo de Pernod qui était à l'origine un "grappin de pêcheur", pour devenir par la suite "une ancre de marine".
Sans doute que Pernod espérait la "pêche miraculeuse" de Simon à ses début... puis le poisson étant au rendez vous, Pernod aurait glissé vers une symbolique de l'espérance plus conventionnelle.


Ci dessous, sans doute une des plus vielle publicité d'Absinthe.
Là, il n'y a aucun doute, l'Absinthe est mise au même plan que le Kirschenswasser, on est clairement en présence d'un alcool de consommation, et non plus d'un médicament. La demande est déjà assez forte et le produit assez connu pour qu'un producteur soit prêt à faire un investissement publicitaire.
J'ai lu, dans des écrits modernes d'historiens, que le producteur "Perrenod fils et Boiteux" est devenu "Pernod" en 1805..... Le problème est que "Perrenod fils et Boiteux" fait toujours de la publicité en 1808, c'est fâcheux...
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Arrêt sur Image en 1816 :


Nota : Veuillez cliquer sur l'image pour voir le texte en entier.

C-L CADET, dès le deuxième tome de son journal destiné aux pharmaciens, s'intéresse à "l'Absinthe boisson", en nous donnant une foule de détails intéressants :
1/ Le fait qu'il s'intéresse à cette liqueur alcoolique dès la deuxième année de publication de son journal (Qui sera publié par la suite plus de 20 ans), montre le vif intérêt que suscite dès 1816 cet alcool en France.
2/ Il donne un nom "Extrait d'Absinthe de Suisse", qui se simplifiera dans le temps en "Extrait d'Absinthe Suisse", "Absinthe Suisse"....
3/ Il situe géographiquement les lieux de production, dans la plupart des villes Suisses proche des Alpes.
4/ Sa recette nous indique un déjà degré alcoolique fort à 24% Cartier (soit 65% Gay Lussac)
5/ Il va même jusqu'à nous donner des détails sur les préférences des consommateurs quant à la coloration. (Vert ou Blanc)
6/ Il nous indique encore et toujours ce lien avec la médecine.
Tout indique que cet "Extrait d'Absinthe de Suisse" est fait par des pharmaciens Suisses : La très petite taille de l alambic pour laquelle la recette est donnée, les rebuts utilisés pour la confections des Eaux Vulnéraires Spiritueuses, l'origine de ce texte s'adressant au monde de la pharmacie...

Si L'abbé RECOLLET, nous donne au 18èm siècle la recette d'une médecine pouvant tendre vers un alcool apéritif de confort, C-L CADET, en 1816, nous parle d'un alcool de consommation venant du monde de la pharmacie.

Et il est sans doute normal que cet alcool nous vienne de Suisse. D'après l'article précédent "L'Extrait d'Absinthe de Suisse", concernant les "Vulnéraires dit Faltranks"(voir le texte en entier en cliquant dessus), les Suisses proches des Alpes se sont spécialisés dans ces plantes médicales de montagne très en vogue. Des guérisseurs Suisse ambulants vont jusqu'à distribuer leurs productions à Paris.
Il est probable que les pharmaciens Suisses, dont les produits étaient déjà en vogue en France, et qui devaient avoir des réseaux de distribution important,ont eu des facilitées pour écouler un alcool de consommation avec des vertus médicinales latentes.
L'aura de la réputation des plantes médicinales Suisses a pu aussi contribué au succès.
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1820 - L'Absinthe et Napoléon :


L'Absinthe entre dans un roman et dans le Café Lemblin à Paris, où les anciens de l'armée Napoléonienne se délassent...
Absinthe, boisson du militaire de la Grande Armée ?
Et si Napoléon lui même avait bu de l'Absinthe ?
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1824 - Problèmes sanitaires :


Quelques auteurs modernes veulent nous faire croire que l'Absinthe a été frappée d'une interdiction injuste en 1915, que l'interdiction n'était que l'aboutissement d'une cabale infondée.
Certains mettent en cause les lobbies du vin, d'autre jusqu'à faire des associations curieuses avec la Franc Maçonnerie ou les anti Dreyfussards.... Ce texte de 1824, vous donne déjà une description de symptômes liés directement à la plante.
Pendant plus d'un siècle, l'Absinthe va subir de nombreux coups de boutoirs, qui vont tout naturellement amener à son interdiction. On pourra même être surpris de la résistance de cet alcool face aux nombreuses alertes sanitaires.
La toxicité n'a jamais été prouvée scientifiquement, elle a seulement été constatée à plus ou moins grande échelle.... Pas de preuve, mais un constat constant ! (Voir les textes à suivre).
L'Absinthe semble aussi immortelle que le Phénix.
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1828 - Petite Absinthe et Anis :


Image flottante En 1828, l'Absinthe est déjà une évidence pour le public.
L'étape de découverte est loin derrière nous.
L'auteur de cet article,J-J VIREY, cherche à renseigner le public sur la meilleure Absinthe, tout en nous confirmant à nouveau le suprématie de l'Absinthe en provenance de Suisse. Il sous entend qu'il y a donc déjà une production Française de moindre qualité. Nous ne sommes plus sur une mode ponctuelle, mais sur une consommation régulière, où l'on commence à chercher des critères de qualité. On a à faire à des consommateurs avertis.

Au passage, il nous donne des indices de fabrication et de consommation :
1/ Il établit que le succès des recette d'Absinthe originelles des Suisses, ou des "Absinthes Suisses", est dû à l'utilisation du Génépi, soit une petite Absinthe de Montagne (des Alpes), beaucoup plus parfumée que l'Artemisia Pontica ou que l'Artemisia Absinthium.
Le problème est que le Génépi ne peut pas faire face à une consommation de masse, il est difficile à domestiquer et doit être cultivé à très haute altitude dans les Alpes.
Il confirme qu'en France, on utilise l'Artémisia Absinthium et Pontica, qui donnent des résultats inférieurs.
Il semble que l'Artémisia Pontica et Absinthium dominera vite les "Génépi", et se généralisera aux recettes Suisses, sans doute face à la rareté de la plante et à l'augmentation de la demande.
2/ La fin de son article nous indique que l'on boit l'Absinthe rallongée avec de l'eau, et que l'anis, à l'origine du trouble, est une idée Suisse. On peut déduire de sa remarque, que en 1828 les Absinthe produites en France sont toujours pauvres en anis !

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1829 - Une idée Suisse à l'origine d'un succès :


Encore un texte médicale, qui attribut aux Suisses l'idée d'une boisson qui devient laiteuse après ajout d'eau.
Force est de constater que les Suisses ont été à l'origine de tout ce qui à fait le succès de l'Absinthe en tant que boisson, et non plus comme médicament.

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Recette Française 1831 :


Une recette d'Absinthe Française type de 1831.
Pauvre en anis et forte en Absinthe.
Le grand intérêt de cette de recette est la précision "sommités fraîches" d'Absinthe.... Un poids frais d'Absinthe correspond a à peu près trois fois le poids sec.
On a là peut être une explication pour les quantités incroyables d'Absinthe utilisées dans les recettes début du 19èm siècle.
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1832 - Le Médicament Fléau :


Image flottante L'Absinthe "Faucheuse" a très vite suivit l'Absinthe "Fée", elles sont toutes deux presque nées en même temps.
Ce texte, de 1832, est pour ceux qui en douteraient !
Je cite "Le pauvre, imitateur tardif des usages du riche, a conservé l'habitude de boire de l'eau d'Absinthe; et cette liqueur est, après l'eau de vie, l'une de celles dont le peuple de Paris fasse le plus d'usage."
Toujours le même cycle: Lorsque le riche s'adonne à une drogue, il est à la mode, et lorsque le pauvre le copie, c'est un fléau.

En début de texte, l'auteur nous confirme que "l'Absinthe boisson" est née au début du 19èm siècle, toujours avec une origine Suisse.
Il confirme aussi, l'origine médicamenteuse de l'Absinthe.

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Coup de butoir de 1845 :


Qui sait que l'Absinthe a déjà été interdite en 1845 ?
Bien peu de monde !
Tout commence par une lettre du préfet de l'Aveyron au Ministre de la Guerre. Ce dernier prend fait et cause pour un de ses concitoyens (de Rodez) qui a le bras long et qui souhaite défendre son commerce (Liquoriste / Producteur d'Absinthe) suite à un article anti Absinthe.
Le préfet nous apprend lui même que l'article accuse l'absinthe "de tuer presque autant d'hommes que les arabes" dans l'armée d'Afrique, et que 4 officiers, dont deux du service de santé, ont été renvoyés en France pour maladie mentale suite à l'abus d'Absinthe....

Nota : Veuillez cliquer sur l'image pour voir le texte en entier.



Le Ministère de la Guerre ordonne une enquête en Algérie : Sont fait des prélèvements, sont fait des analyses.
Il n'est mis en évidence aucune adultération des Absinthes saisies.
Le service de santé des armées en conclue que le problème est directement lié au haut degré alcoolique de la boisson et aux huiles essentielles très excitantes qu'elle contient.
La note du 3 Octobre 1845 interdit l'usage de la liqueur d'Absinthe parmi les troupes d'Algérie.



Définition du produit en 1850 :


Ce texte provient d'un ouvrage de 1875, dont la première édition était de 1850.
Il est important de le préciser, car ce texte semble obsolète pour 1875, il ne tient pas compte de l'évolution du produit.
Les plantes indiquées pour la couleur sont celles que l'on trouve généralement dans des recettes françaises antérieures à 1850.

Ce texte reste intéressant pour les points suivants :
- Il nous donne une règle de classification des Absinthes dites Ordinaires, Demi-fine, Fine ou Suisse.
Bien que les définitions de l'Absinthe Ordinaire à 47,66% vol. et de l'Absinthe Suisse à 80,66% Vol. soient quelque peu surprenantes de précision....
Je rappelle que l'Absinthe sera définie en 1908 par un degré minimum de 65% Vol.
- Il nous précise l'emploi possible des Génépis.
- Il nous laisse imaginer ce qu'était une Absinthe dite "Ordinaire", certainement la plus consommée parce que la moins chère.


Nota : Veuillez cliquer sur l'image pour voir le texte en entier.





Coup de butoir de 1861 :


Cette fois, c'est le préfet de police de Paris qui accuse l'Absinthe d'être préjudiciable pour la santé.
S'ensuit une enquête très intéressante, avec des prélèvements chez plus de 20 commerçants Parisiens.
On recherche tout type d'adultération possible, rien de concluant est mis en évidence.
Seul est déploré les écarts des degrés alcooliques (de 33 à 72% Vol.) et l'empirisme des recettes mises en oeuvre. Aucune homogénéité ou régularité d'un producteur à un autre au sein de la Capitale.
Faute de mieux, il est recommandé de faire des Absinthes limitées à 45% Vol.

Nota : Veuillez cliquer sur l'image pour voir le texte en entier.



Suite à cette enquête, il n'est pas donné suite au conseil de limiter les Absinthes à 45%.
Mais le Ministère de la Défense étand l'interdiction de consommer de l'Absinthe aux troupes en France..... Une bonne loi Française, jamais appliquée semble t il !



Coup de butoir de 1871 :


Un coup de butoir sérieux en 1871 par une augmentation significative des taxes fiscales sur l'Absinthe.
L'Absinthe est taxée comme si elle était composée d'alcool pur ! Soit pour Absinthe à 65%, une augmentation brutale de 100-65=35% des taxes fiscales liées à l'alcool.
Ceci a dû avoir un effet pernicieux quant au degré alcoolique : Que l'on fabrique une Absinthe à 45 ou 72% Vol., la taxe est la même (soit comme un produit à 100% Vol.), il y avait donc aucun intérêt à abaisser le degré alcoolique de la boisson.
Ceci marque bien que l'attaque est dirigée sur la plante en elle même, et non sur l'alcool !


Un joli texte du "MESSAGER AGRICOLE" de 1874, donne une idée des résultats de cette loi de 1871, et explique comment une augmentation de taxes pour lutter contre la consommation de l'Absinthe a amené à un résultat opposé au but recherché !!
Les tenanciers de bistrot ont trouvé un fort avantage à commander de l'alcool neutre (souvent frelaté lorsqu'ils allaient au meilleur marché) et des essences de plantes pour fabriquer à froid sous le comptoir.
C'était fort rémunérateur pour le bistrot qui échappait ainsi à toute fiscalité, légalement, en servant la pire des absinthes au meilleur prix !


Coup de butoir de 1872 :


Une loi du 26 mars 1872 classe l'essence d'Absinthe comme substance médicamenteuse.
Mais le texte précédent du "Messager Agricole de 1874" semble indiquer que cette loi n'empêche pas les tenanciers de bistrot de se fournir à grande échelle en essence d'Absinthe (Artémisia Absinthium)....
Il est à remarquer que les deux réglementations importantes de 1871 et 1872, visant directement l'utilisation de la plante Absinthe, suivent la défaite de 1870.... L'Absinthe sera interdite en 1915, en pleine guerre .... A croire que l'on ne se rappelle des méfaits de l'Absinthe que lorsque la France est en danger !
Contrairement à l'histoire étalée par nos historiens de l'Absinthe, l'armée a toujours vu d'un mauvais oeil cette boisson affaiblissant ses forces vives : Interdiction en 1845 pour les troupes en Algérie, en 1861 aux troupes en France, réglementation après la défaite de 1870 et interdiction après la semi défaite de 1914, où la victoire ne s'est pas faite la fleur au fusil...


Focus sur Pernod en 1876 :


On va parfois chercher très loin ce que l'on a sous le nez....
Il se trouve qu'à quelques rues de la distillerie, à Vichy, quelqu'un possède un important lot de correspondances de Pernod autour de 1876 !
Et au milieu de cette mine de renseignement j'ai trouvé la consommation de bouchons pour l'année 1876.
Je suis donc en mesure de vous indiquer que Pernod se fournissait 20 000 bouchons par mois chez G. Haury à Lyon (de première qualité). Soit une production de bouteilles, Litre et 1/2 litres confondus, de 240 000 bouteilles en 1876.
D'après divers courriers, j'ai pu trouver que la production de Pernod était alors à 72% Vol.,
Que Pernod expédiait beaucoup en bonbonnes (quelques commandes mixes bouteilles + Bonbonnes),
Que Pernod reprenait ses bouteilles vides par un système de consigne (et qu'il acceptait même des bouteilles de concurrents à moindre coût),
Que Pernod avez un agent sur Lunel qui le renseignait au moins chaque semaine sur le cours des différents 3/6 du midi, et qui achetait pour son compte.


1883 - Edouard Pernod revendique encore l'utilisation du Génépi :


En 1883, Joseph Favre écrit un texte en faveur des Absinthe de la maison Edouard Pernod, qui met en avant l'utilisation historique du Génépi en Suisse.
Si il nous rappelle encore l'origine Suisse et pharmaceutique de l'Absinthe, il va jusqu'à nous glisser une petite anecdote avec Napoléon Bonaparte, lors de son passage du col du Saint Bernard en 1800. Et nous laisse penser que Napoléon Bonaparte lui même serait à l'origine du succès de la boissson !

Il nous confirme très clairement l'emploie du Génépi pour les premières recettes Suisses, en allant jusqu'à une traduction des termes "petite" et "grande Absinthe".
Voyez, d'après lui, A.rupestris serait "la petite" et A. Glacialis serait "la grande". Soit pas d'Artémisia Absinthium.
Dommage que le texte soit si tardif.
Ce texte rejoint le texte de J-J Virey de 1828, qui rejette aussi l'Artémisia Absinthium. Mais nous rentrons là dans un domaine sacrilège pour les consommateurs ou "experts" actuels, qui ont déjà beaucoup de mal à imaginer l'abandon de l'artémisia Pontica comme "petite Absinthe".....

Edouard Pernod, se targue d'utiliser encore en 1883 le génépi dans sa coloration et en fait un argument publicitaire. (Bien qu'il ne nous dit pas utiliser du Génépi au lieu d'Artémisia Absinthium dans la distillation, sans doute que le consommateur de 1883 ne l'accepterait déjà plus).

Le texte est déjà sur la défensive par rapport aux ligues anti alcooliques qui se font pressentes pour aboutir à une interdiction définitive.



1907 - Réglementations sur la concentration en essence d'Absinthe :


Une loi du 30 Janvier 1907, limite la boisson pour la teneur en essences de plantes, et plus particulièrement pour la teneur en essence d'Absinthe.
Quoique 1 gramme d'essence d'Absinthe par litre parait énorme !! Ceci autoriserait des Absinthes à plus de 15 fois la norme actuelle ...
Le texte mets en évidence les difficultés techniques de l'époque pour contrôler l'application de ce type de réglementation.
Au passage, on nous confirme que l'essence d'absinthe contribue au trouble de la boisson. Phénomène que j'ai personnellement vérifié sur des distillats d'Absinthe à 600mg/Kilo.


1908 - Réglementation sur le degré alcoolique des Absinthes :


Une loi du 26 Décembre 1908, impose un minimum de 65% Vol. pour les Absinthe.
...On retrouve le degré alcoolique donné par la première recette imprimée de 1816...
On peut donc considérer que le minimum 65% Vol. fait parti de la définition du produit.


.... 1915, Interdiction totale ....



.... 2011, Le Phénix renaît ....


MEA CULPA


Certains seront horrifiés par le degré alcoolique de mes productions d'Absinthe... Je ne leur donne pas tord, l'Histoire ne leur donne pas tord...
Les faits sont là, je ne contrôle pas la réglementation.

Certains seront épouvantés de revoir ce produit que l'on avait mis si longtemps à interdire... Je n'essaierai pas de les influencer à l'inverse.

Certains y voient avec joie une drogue légalisée. Doux est le berceau de l'illusion et de l'ignorance.

D'autres, avec un aplomb de maître de conférence, à qui passe à porté de voix :
Ce n'est pas la vraie ! Il ont enlevé un truc ! Elle est trafiquée !
Non content de leur ignorance... ils l'enseignent !

L'Absinthe a détruit la classe ouvrière de la révolution industrielle, abruti les classes populaires,
au point que l'Armée la considérait nocive à la guerre !
A la question "Pourquoi a t on interdit l'Absinthe en 1915 ?",
j'aime répondre "Oui, pourquoi si tard ?".

Si toute la population Française a consommé de l'Absinthe,
toutes les classes d'âge, toutes les classes sociales,
il y avait différentes qualités :
- Le haut de gamme produit par les grandes marques tel que PERNOD, CUSENIER, BERGER étaient distillées, colorées avec des plantes, vieillies en foudre de chêne. Je suis le seul a avoir poussé la curiosité jusqu'à reproduire le vieillissement en foudre avec l'Absinthe Napoléon III.
- Le milieu de gamme était un produit bien fait, mais non bonifié sous bois. L'Absinthe Coq Vert, L'Absinthe Verte de Vichy, L'Absinthe de Lyon sont de cette veine.
- Le bas de gamme était un produit réalisé à froid, sans distillation, coloré artificiellement. Les écrits anciens nous donnent aussi les recettes de ces Absinthes faucheuses d'hommes. L'Absinthe Zola est issue de ces écrits.

Le bas de gamme, l'Absinthe de l'ouvrier, a été criminelle pour 3 raisons :
- La présence d'alcool méthylique dans les alcools de mauvaise qualité. Ce poison rend fou et aveugle.
Bien entendu, l’alcool méthylique n'existe plus dans les productions actuelles.
- Le haut degré alcoolique de la boisson. L'Absinthe fût "le café", "le dopant" de l'ouvrier, l'accompagnant tout au long de la révolution industrielle.
L'excès d’alcool éthylique accélérait la dégradation de leur santé.
A leur décharge, l’eau du 19èm pouvait se montrer redoutable aussi… Autour de 1870, une pandémie de choléra touche la France.
- Le pouvoir excitant de l'Absinthe.
Une molécule présente dans la plante Absinthe, la thuyone, est un excitant qui déréglait l'organisme soumis à l'abus.
A savoir que les recettes d'Absinthe ont évoluer au 19èm siècle. Si une Absinthe 1800 était proche du médicament dont elle est issue, soit beaucoup d'Absinthe avec un peu d'anis, l'Absinthe de 1900 était beaucoup d'anis avec un peu d'Absinthe. La nocivité par les excitants a donc décliné.
Les amateurs d'alcool + Red Bull n'ont rien inventé...

La distillerie de Vichy travaille uniquement à partir de textes anciens et se situe dans la démarche d'une reconstitution historique.
La loi Européenne autorisant les 35mg/kg de thuyone sans limite de degré alcoolique, permet de reproduire les Absinthes light fin 19èm.
( Les grandes distilleries qui travaillent à l'export sur les USA sont limitées à 10mg/kg, voir 1mg/kg si elles visent également le marché Canadien.)
Beaucoup d'amateurs d'Absinthe sont allergiques au Pastis, qu'ils considèrent comme un ersatz mal modelé par les péripéties l'histoire.
L'Absinthe est un retour aux fondamentaux d'un produit qui eu un succès sans précédent auprès des Français.
Si vous restez raisonnable (les taxes sur les alcools vous y aide !), cela reste une belle découverte.